Rencontre du type 

X

Synopsis : l'écrasement d'un astronef apparu de nulle part vient momentanément troubler la quiétude d'un homme. Sa rencontre inattendue avec l'occupant de la ruine vient bouleverser son existence, et celle de l'humanité... 


      Par une nuit limpide éclaircie de mille étoiles, une pleine lune éclatante scintille dans la voûte céleste. Inondé par la zénitude, je profite du moment pour me ressourcer en pleine nature. Absorbé par des pensées évasives, je m'aventure paisiblement sur un petit chemin terreux faisant route vers le néant. Libre comme le vent, je respire profondément la pureté que me procure la brise estivale. La cadence pénarde de ma croisière me permet de contempler le spectacle sublime qu'offre la lune tout en poursuivant mon chemin. Soudain, un sillon nébuleux très épais au cœur étincelant capte mon attention. Fasciné par le phénomène, je remarque que la lueur en expansion semble se rapprocher. En quelques minutes à peine, l'objet vint foudroyer le sol à quelques mètres. Mon état serein expire brusquement puisque j'étais passé à un cheveu de me faire décapiter. Allongé au sol après m'être projeté pour éviter la catastrophe, je me redresse pour aller examiner la scène de près, mais la dense fumée qui s'était répandue m'en empêchait. Ce n'est qu'une fois les émanations bien dispersées que je tentai une approche. Mon intrigue s'accentue lorsque j'arrive aux abords de l'engin. Je n'aurais jamais cru découvrir autre chose qu'une comète ou le fragment d'une météorite, alors j'admets que la structure métallique qui reposait devant mes yeux me déconcertait terriblement, mais le danger me stimulait; je devais absolument découvrir ce que c'était. En marche pour une inspection, je longe la carcasse à la recherche d'indices. À peine dix enjambées plus loin, je fige abruptement. Non seulement la charpente me troublait grandement, ce que j'aperçus ensuite ne pouvait qu'amplifier mon appétence du risque; un corps long et maigre gisait en bordure du chemin. Son front large sur un visage aux yeux sombres et globuleux enveloppé d'une peau livide expliquait difficilement son origine. Malgré mon angoisse, je n'ai pu m'empêcher de pousser mon enquête plus loin. Par crainte d'être repéré par un voisin, j'empoigne rapidement la dépouille pour la trimballer jusque dans la grange postée tout près. Je dépose la créature sur une meule de paille et ligote ses mains fragiles. Je restai immobile un moment posant mon regard fasciné sur elle. Combien de temps allais-je pouvoir préserver un tel secret? Ce n'était qu'une question de temps avant que les autorités ne découvrent son existence. Je devais immortaliser à tout prix l'incident avant qu'ils ne rappliquent. Je me dirige presto à l'intérieur de la maison pour attraper mon iphone. À mon retour, je n'en croyais pas mes yeux; la créature pâle se tenait sur ses deux jambes, immobile, et me fixait. Son regard glacial enduisait mon corps de frissons. J'avais cette impression qu'elle pouvait lire mon âme et cherchait à communiquer. D'ailleurs, mon pressentiment me donnait raison. — « J'ai un message à vous transmettre.» Me dit-elle sans projeter la moindre intonation. En général, je disposais d'une grande ouverture spirituelle, mais je dois avouer qu'à ce moment je croyais avoir perdu l'esprit. J'avais entendu beaucoup d'histoires sur des extraterrestres auparavant, mais je gardais jusqu'à aujourd'hui un certain scepticisme. Il était clair que le phénomène ne relatait pas du naturel. La créature intente une approche, mais je bondis vers l'arrière.

— « N'ayez crainte.» Me dit-elle — je ne vous veux aucun mal.» Difficile de faire confiance à un avatar qui semble sortir tout droit d'un film de Spielberg. En l'absence de courage, mais envoûté par la fascination, je la laisse malgré tout percer ma bulle. Pris qui croyait prendre, elle me tenait, j'étais beaucoup trop absorbé pour oser m'enfuir. Malgré la situation, la quiétude qu'elle dégageait m'apaisait. Je ressentais une certaine emprise sur ma conscience de sa part; un concept que je n'aurais jamais cru possible jusqu'à aujourd'hui. — « Je dois absolument vous parler me répétait-elle.» Comment pouvais￾je m'opposer quand je cherchais moi-même des réponses? Du coin de la grange, je tire deux bûchettes en bois que je dispose l'une face à l'autre et m'assieds sur l'une d'elles. — « Asseyez-vous. Lui dis- je.

— Non merci.

J'avais du mal à faire progresser la conversation, car j'étais trop absorbé par son apparence. Appréhendant mon hypnose, la créature me signale :

— Je dois être certain d'avoir toute votre attention et je sens une certaine distraction de votre part. Encore une fois, elle avait pu deviner. Rendu au point où j'en étais, il était inutile de la craindre, car malgré ma réticence elle semblait en plein contrôle. Je choisis donc d'amorcer le dialogue moi-même :

— Comment vous appelez-vous?

— Je suis Miraz.

Je m'attendais à un nom impossible à prononcer, mais celui-ci ne sortait pas trop de l'ordinaire.
- D'où venez-vous au juste?

— Je viens de loin, très loin, je suis d'une autre époque. Me dit-il.

Bon, pourquoi pas. Mon hypothèse de l'extraterrestre venait de s'éteindre, mais à cette étape de ma journée plus rien ne m'étonnais.

— Continuez?

— J'ai un message important à transmettre.

Raz le bol, c'était la troisième fois en deux minutes qu'il le répétait. Nous n'avions qu'effleuré la préface de cette conversation que j'étais déjà saturé. Je n'avais pas toute la soirée alors je devais à tout prix activer en deuxième vitesse :

— Quel type de message?

— Le type qui pourrait empêcher l'extinction de notre race.

— Notre race dites-vous? Pourquoi « notre » race?

— Je suis humain. Me répond-il. Je viens du futur.

Un scepticisme m'envahit :

— Comment pouvez-vous dire une telle chose? Vous vous êtes vu la tronche? Vous ne pouvez pas être de notre espèce, quel genre d'humain communique par la pensée? C'est ridicule!

— Du calme, laissez-moi vous expliquer.

— Allez-y, j'écoute!

— Ce que vous voyez est une sorte de combinaison protectrice et sous cette enveloppe je suis comme vous et pour ce qui est de la télépathie, l'évolution en a faite son oeuvre, ce n'est qu'une question de temps avant que votre espèce ne développe cette capacité. Il pourrait bien me baratiner que je n'en saurais rien! Travaillait-il avec le Doc. Brown pour l'aider à retrouver son époque tant qu'à faire? Cette histoire de retour du futur me rendait douteur, il me fallait plus de preuves.

« Enlevez-la cette combinaison! Répliquais-je d'un ton sévère.

— impossible! Proteste-t-il avec effroi. Je risquerais de me contaminer et mourir!

Bon, encore une excuse. Impossible de m'en sortir, mais il ajoute à son explication :

— L'évolution a engendré une espèce qui s'est extrêmement fragilisée avec le temps. Je suis venu exprès pour vous mettre en garde contre cette mutation, la race humaine en dépend. L'avènement d'une aire surprotectrice liée à votre laxisme face aux problèmes environnementaux pourraient, eux, engendrer des conséquences irréversibles à long terme. Je vous assure que vous ne voulez pas passer toute une vie enveloppé d'une carapace comme celle que je porte. J'avais assimilé la base du sermon, mais j'étais focalisé sur un détail :

— Quand cette mutation aura-t-elle lieu exactement?

— Votre question est sans importance, c'est maintenant que vous devez agir. Toute cette tendance surprotectrice depuis quelque temps mêlé au sermon des environnementalistes sur la pollution; le casse-tête prenait enfin sa forme, mais à quoi bon avoir jeté son dévolu sur moi pour transmettre son message. J'interroge :

— Pourquoi me mêler à tout ça ?

— Vous saurez quoi faire en temps et lieu.» Réplique-t-il.

C'était la réponse la moins explicative que je pouvais en retirer. Je ne détenais rien qui puisse influencer le sort de l'humanité mis à part une petite chaîne youtube et des réseaux sociaux auxquels se rattachaient quelques adeptes. Il en faudra probablement beaucoup plus pour affecter un phénomène de cette étendue. Pendant que je m'efforçais de deviner le sort qui m'était destiné, des craquements venant du toit retentissent.

— Plus un geste! Que personne ne bouge!

Tôt ou tard je savais bien qu'ils allaient rappliquer. Je ne m'attendais pas non plus à une visite courtoise de leur part. Des agents fédéraux venaient d'enfoncer mur à mur les parois de la grange. Figé de glace, je sentais la fraîcheur du canon pointé sur ma tempe; toute possibilité d'évasion était perdue. Deux agents se ruent sur mon otage et l'emportent. Ils repartent tous aussitôt et en quelques secondes, j'étais laissé seul enveloppé par un silence assourdissant, témoin de ce qui venait d'être l'œuvre de vrais professionnels. Suite à cet événement, je savais que ce n'était pas du bluff. Vu du champ à l'extérieur, tout indice du passage de l'engin avait été supprimé… à l'exception d'un seul. La poche de ma chemise contenait la preuve que je n'avais pas tout imaginé. Je peux vous jurer que je ne me suis pas fait prier pour publier cette vidéo, qui en quelques heures à peine, avait atteint le million de partages. C'est à ce moment qu'une incertitude envahit ma conscience à propos de mon impulsion. La crainte de représailles me rendait soudainement anxieux, mais il était trop tard.

 J'étais complètement crevé, l'adrénaline s'était estompée et la fatigue vint me happer de plein fouet. L'épuisement parvint à compléter son œuvre durant quelques heures. Le visage imprégné du clavier après m'être endormi subitement sur mon portable, j'avais peine à m'orienter lorsqu'une odeur fumée vint me tirer des bras de Morphée. Je frotte le creux de mes paupières avant de constater qu'un brasier fumant s'attisait aux quatre coins de ma demeure. Sa pétulance s'intensifiait chaque seconde me laissant prisonnier d'une chaleur infernale. Ma crainte s'était concrétisée, je n'aurais jamais dû publier cette satanée vidéo. Pourquoi cet illuminé avait-il atterré sa carcasse sur mon terrain? Un kilomètre au nord m'aurait évité bien des embarras; je méritais un meilleur sort. L'embrasement gagnait du terrain et l'oxygène se faisait de plus en plus rare. Je bondis pour localiser l'issue la plus près, mais comble de malchance elles étaient toutes la proie des flammes. L'espoir de m'en tirer s'évanouissait. Pendant que les émanations gorgent peu à peu mes poumons, je tente désespérément de fuir la scène; je tombe inconscient. 

Une lumière vive et rayonnante m'éblouit au point où j'ai peine à trouver mes repères. J'étais mort c'est certain, prisonnier des limbes entre ciel et terre, sinon qui avait bien pu me tirer de cet enfer? J'étais pourtant seul, abandonné à mon propre sort. J'ai toujours été persuadé que j'allais m'éteindre en solitaire, mais jamais je n'aurais pu m'imaginer un tel scénario. Quoi qu'il en soit, ma destinée en avait décidé autrement et m'offrait une seconde chance. Peut-être était-ce un avertissement pour que j'en retire une leçon. Le bon samaritain m'ayant épargné pouvait tout aussi bien être mon assaillant. Une chose est certaine, si tout était à recommencer, je ferais tout différemment. Ma vision brouillée reprend de sa netteté lorsque j'aperçois une silhouette approcher vers moi. L'individu à la tignasse clair et au teint pâle flamboie davantage que la lueur environnante. Son regard d'un azure presque translucide hypnotise sévèrement mon esprit. Je n'ai jamais vu cet homme, mais ma conscience le nie. Une emprise psychique m'est familière donnant forme à mon hypothèse quant à son identité. Suite à ce qui venait d'arriver, j'aurais dû me méfier, mais mon instinct m'indiquait que sa présence était de bon augure. Comme je l'avais anticipé, un sourire sincère se dessine sur son visage et sans émaner le moindre son je l'entends s'exprimer :

-"Vous avez réussi!

Même si jusqu'à présent les événements ont exhibé une crédibilité persuasive, j'étais tout de même submergé par un certain scepticisme. Comment j'aurais pu réaliser un tel exploit en l'espace d'une nuit, c'était insensé :

— Réussi? Demandais-je.

L'intru s'avance. Par le simple tapotement de son index contre son pouce, surgît un faisceau bleuté d'où se dessinent quelques caractères. La technologie que j'aperçus à cet instant me laissait sans mot puisqu'elle m'était inconnue. Malgré ma stupeur, je consulte le document et constate qu'il s'agit d'un article lié à mon action de la veille. Une curiosité m'habite quant à la date inscrite sur la publication. Je scrute le document avant de fixer mon regard au haut de la page. J'ai dabord cru qu'il y avait une erreur, mais j'étais loin de me douter que j'avais tout faux. L'en-tête indiquait l'année deux mille cent￾vingt-trois. Les prunelles écarquillées d'étonnement, je n'ai pu faire autrement que d'interroger : « Mais… où suis-je pour l'amour du ciel? Pendant que ses lèvres se courbent, l'homme rutilant déclare :

— Vous êtes chez moi.

— Nom de Dieu, Miraz? Je savais! »



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